Littérature › Poésie

dimanche 14 novembre 2021

Un jour, sans doute…

Un jour, sans doute, après avoir erré,
doutant de tout, me trompant souvent,
je finirai par croire en ma vie.

Je n’aurais pas plus de certitudes,
je ne serais pas plus heureux
je ne me sentirais pas plus vivant

Mais je ne craindrais plus de me tromper.
Peut-être serais-je plus sage ?…
peut-être plus sensible ?…

Ou peut-être bien, plus fou préférant me tromper en solitaire

Sans doute connaitrais-je l’horreur absolue.
Cette peur sans nom.

L’obscurité la plus sombre
sera le royaume de mes doutes.

J’avancerai, sans doute…   Comme un robot…   Et puis je reconnaitrai ton parfum.
Juste avant de connaître l’ivresse de la chute. Ce final obligé.

mardi 2 mars 2021

L’éternité bleue

L’éternité bleue
L’éternité passée sans toi,
sans entendre ton souffle,
sans le sentir sur ma joue,
sans voir son ombre sur la glace.
L’éternité passée sans toi,
à pleurer ta voix oublier,
à chercher le souvenir de ton sourire,
la douceur de ta peau sur ma peau.
L’éternité à penser à toi,
à te penser, à te rêver.
À chanter ton corps.
À l’écrire, à le gémir.
L’éternité à vivre tes pleurs,
à comprendre ta souffrance.
À l’entendre, parfois.
Comme soi tu étais en moi,
comme si tu étais moi.
L’éternité passée à souffrir
du plaisir que tu prends sans moi ;
malgré moi, contre moi.
Comme une douleur infinie,
sans âge, comme l’univers.
Comme cette lueur qui me hante
et qui est toi.
Comme une éternité bleue.
L’éternité passée avec ta présence.
À rêver ta voix, à la recréer.
À la rechercher, comme d’une arme
qui pourfendrait ma solitude.
L’éternité à parcourir ton corps,
à m’y lover, à m’y perdre,
à chercher tes courbes à l’aveugle,
à y dissoudre ma mémoire.
L’éternité passée avec tes silences.
Ce miroir de tes yeux,
ma fenêtre sur l’infini,
ma sublime souffrance.
L’éternité passée avec ton absence,
transmutant mon univers.
Ma douce lumière,
ma jumelle, mon double.
mon ile bleue

 

lundi 1 mars 2021

Il y eut l’attente…

Il y eut l’attente dans cette gare de campagne. Peu de maisons alentour. Aucune présence humaine apparente, dormaient-ils encore ? J’en doute. Je les imagine actifs depuis l’aurore, mais discrètement. Le temps n’est pas fait pour être montré, comme en spectacle, mais habité.

Ici, nous ne sommes pas en ville où tout est parade, démonstration, spectacle. La foule suscite l’exhibition. Le nombre attire la compétition et tue le silence. En ville, seuls demeurent les bruits, les plus diffus ne peuvent être entendus et donnent l’illusion d’un silence.

Quelques mots écrits à la hâte sur une feuille. Quelques flocons d’une neige sale et fragile sur un sol improbable. Une voix, perdue dans la foule, qui se souvient. Une route, aussi, qu’il faudrait choisir. L’oubli de la mémoire est sans doute un refus. J’aimerais connaître le jour précédant ma naissance.
Ce repli du temps caché à tous. J’aimerais comprendre le secret de l’univers, celui qui nous fait tous courir comme des chevaux inconscients de leur mort prochaine.

J’aimerais trouver le silence, cette absence de bruit idéale, ce Graal du musicien.

 

dimanche 28 février 2021

Ce que chante le vent aux arbres…

Ce que chante le vent aux arbres, comme s’ils étaient encore des arbrisseaux fragiles, à peine perceptibles pour l’œil indifférent, ne saurait être entendu par l’ambitieux cherchant à gravir un à un, et si possible en compagnie de cette souffrance rédemptrice qui accompagne, au dire de certains, l’apprentissage laborieux du savoir respectable.

Ce que chante le vent aux arbres, ainsi qu’aux enfants, ces arbrisseaux à la tendre chair, n’appartient pas au monde de la raison, cette donneuse de leçons austères et stériles. Ce que chante le vent aux arbres ne saurait trouver grâce, s’il la demandait, auprès d’aucun censeur, ces respectables empêcheurs d’exister.

Il y avait un arbre, jeune encore – bien que ses feuilles l’eussent abandonné déjà, lors de plusieurs automnes, qui vivait heureux sur une colline. Il vivait son existence d’arbre qui est, comme l’on sait, différente de la notre, de par sa longévité autant que par son mode de déplacement, immobile en apparence et vertical.  

L’arbre ne connaît pas l’agitation de l’homme qui, bien souvent, bouge sans avancer. L’arbre tend à l’élévation et non à cette forme d’ivresse qu’est souvent le voyage humain.

L’arbre, donc, vivait… Paisible, peut-être, serein sûrement. Il ne vivait pas sur sa colline. Il ne vivait pas avec sa colline… Il était la colline. Et, de la même façon, la colline était l’arbre. Il était aussi l’oiseau, venant quelques fois se poser sur ses branches, ainsi que le rongeur qui passait… Ou bien même le scorpion… L’arbre ne connaissait ni le mal ni le bien.

Lorsque je dis de l’arbre qu’il vivait heureux sur sa colline, je tiens un raisonnement d’humain. L’arbre, bien entendu, n’aurait jamais eu une telle pensée. Nous découpons notre vie en tranches. Les instants de bonheur suivent les instants de déplaisir (le malheur est une notion trop forte pour être découpée), les arbres ne séparent pas les instants, ils vivent du rythme de la nature, ne connaissent pas les sentiments humains, cette division de l’âme.

L’arbre sur la colline était l’univers. Il était la terre. Il était le feu. Il était l’eau et le nuage. Il était la matière et l’énergie…

Mais il n’était pas le vent. Le vent fait partie de l’univers, mais il n’est pas seulement énergie et matière, il est aussi pensée. Non point pensée particulière, ni même pensée abstraite et absolue, mais la pensée originelle, dans sa plénitude.

Le vent ne soufflait pas pour le plaisir. Il ne soufflait pas non plus par nécessité biologique, il était avant tout un chanteur…  

Il vint sur la colline. Étendit son souffle comme un oiseau tend ses ailes au moment de l’envol. Il pénétra l’arbre et se mit à chanter. Je ne pourrais vous dire ce que fut ce chant. Je n’en connais point la signification mais l’arbre en saisit le sens. La compréhension eut-elle une place dans cette rencontre ? Je l’ignore. Mais ce jour vit le commencement de la métamorphose de l’arbre.

Ce que fut ce changement échappe à ma compréhension.

L’attente

Question d’entraînement, je suppose, de volonté peut-être… Je me refuse à aller mal dans un monde qui ne va pas bien. Sans équilibre, il n’y a pas d’harmonie. Et sans harmonie on court à la catastrophe. Encore faut-il accepter de tomber et se relever ensuite. Et puis il faut aimer construire et apprendre la patience.

Moi, j’aime bien les jardins, planter une graine et la voir s’épanouir, voir ses fruits grandir. Je suis là et j’attends. Je ne fais pas que çà bien sûr… Je veux dire… Je ne passe pas ma vie à attendre mais cette attente est importante, elle me donne une raison de plus d’exister. Elle me donne un rythme qui, autrement, me manquerait. Elle me procure un supplément d’énergie… Une graine, même si elle est toute petite elle est toute petite et mal fichue, c’est une promesse. Il peut en sortir quelque chose… Un fruit… Peut-être… Tout rabougri ou très beau, on ne peut pas savoir et peu importe… Ce qui compte c’est qu’il y a une possibilité…

Attendre, ce n’est pas rêver ou espérer. Attendre c’est marcher… Sans s’inquiéter du but, sans prévoir le résultat.

 

dimanche 21 février 2021

La vie dans son essence la plus pure...

La vie dans son essence la plus pure jaillit. Comme une source liquide, solide ou éthérée. L’eau, bien sûr, le jaillissement d’une cascade, qui d’ailleurs, peut être cascade en réduction. La goutte d’eau s’échappant du robinet. Ou bien encore le filet d’eau coulant entre deux pierres. L’idée, ici encore, déborde du signe.

La cascade fut toujours, en mon esprit, porteuse d’un sens multiple, au-delà du désir sublimé ou bien d’une pureté qui n’a, me semble-t-il, de réalité autre que théorique… Le sens n’est pas le mot, moins encore le signe, et ne saurait être réduit à une définition, explication mercantile pour guide touristique. De la cascade au fleuve, cette rivière pour géants, l’imagination demeure notre troisième œil, et de cet œil jaillit la source de la vie.

Le fleuve est un torrent qui aurait pris des habitudes. Comme moi sans doute. Pourtant je ne me sens pas fleuve. Ruisseau peut-être, caché dans les sous-bois. L’expression de la puissance n’est pas de mes désirs. Les fleuves, même les plus indisciplinés, respectent l’ordre extérieur. Le ruisseau suit son chemin sans se préoccuper de l’ordre du monde. Il possède sa propre organisation et n’en est pas possédé. Il est l’ordre, le vrai, celui exempt de structures, sans cesse changeant, toujours exact. La vanité est sans doute un défaut.

Le torrent, de principe aquatique, est pourtant l’essence même du brasier. Le jaillissement multiple de la source, origine du torrent, est infiniment plus proche de l’image solaire que ne peut l’être le feu.

La terre, l’eau, l’air, le feu… Ces symboles élémentaires sont signes plutôt qu’entités fondamentales. La pierre, le brasier ou la source, ainsi que le vent, sont entités charnelles avant d’être signes. Quatre univers remplacent les éléments. L’un d’entre, le vent, des trois autres se compose. La pierre est sa chair, le brasier est son cœur, la source son sang… L’air ne saurait contenir le vent, qui est matière et esprit, voix multiple et solitude, l’infini rejoignant l’absence.

Le vent ne s’explique pas. Le vent ne se peut conquérir. Le vent ne saurait être maître ou esclave.

 

samedi 6 février 2021

En ces époques nues…

En ces époques nues où la chair de l’émotion laisse transparaître le squelette de la raison sociale (raison de l’entreprise individuelle qui, pourtant, méconnaît l’individu) la masse – toujours elle – prend le pas sur l’être… Comme le paraître sur l’existant.

En ces époques nues la politique du reste a rang de philosophie. L’art, quant à lui, ne saurait exister. Un grain de riz perdu sur le pavé devient marbre à sculpter. Un univers voit le jour. Création éphémère d’un amuseur affairé en quête de gains faciles à obtenir. Ainsi commerce et art se confondent. La masse, toujours, étouffe le sens.

Le riz est un paysage. Femmes courbées dans les rizières. Conversations de fin de soirée où la chaleur de l’alcool remplace l’inspiration. Repas partagés, un grain de riz divisé en cinq, puisqu’il y a quatre convives, la cinquième part sera pour le pauvre de passage, le plus pauvre d’entre nous, le rat, ce mal aimé. Ainsi devrait être l’amour, un don, sans rien attendre, à celui qui ne possède rien, pas même l’amour. Du festin à la cène, parfois, suffit un pas, qui sera ou non franchi. Un soupçon d’intention peut changer le monde. Nous étions insouciants, égoïstes, peut-être… Nous voilà acteurs d’un drame planétaire. D’une aile de papillon dépend le sort du monde. Il suffit parfois d’un souffle pour que tombe dans l’oubli une civilisation hier triomphante.

Sur une table, les restes d’un repas. Un grain de raisin rescapé d’un génocide. La naissance du vin ne provient-elle pas d’une mise à mort, celle du raisin ? Quelques bouteilles renversées dressent le décor. Cadavres qui furent froids avant même de mourir. Un nom unique désigne la dépouille de l’homme et celle du vin. Les deux dépouilles, souvent, se confondent. Traces de vies perdues.

Des cris, quelques rires. Le sang qui coule dans les veines. Un repas partagé. Des paroles échangées. Puis la mort, qu’il y eut ou non un bûcher. Seule reste la cendre.

Un jour, le silence, pas l’absence de bruit, non le vide, mais son contraire. Le silence est là. Présent comme du granit. Des ondes, vibrations incertaines, souterraines, intériorisées. Un tremblement à peine perceptible s’empare des corps. Perçue tout d’abord comme un fantasme, sa réalité, bientôt, ne prête plus au doute ce qui appartient à la peur. Peur du cataclysme. Du tremblement de terre, cette mort offerte par la nature. La tour s’écroule. Le désert reprend ses droits. Un grain de raisin encore vert est tombé (d’une table sans doute) La table n’est plus, reste son ombre, fruit trop vert pour être convoité.

La solitude reste ma compagne…

 

jeudi 21 janvier 2021

Blanc et gris…

Blanc et gris
Neige et cendres
La vie certainement.
La mort, bien sûr,
pour ne pas oublier.
Ce doute qui nous ronge.
Cette peur qui nous porte.

Fin d’Automne noir
Fleuve de larmes sur mon cœur
Une étoile brille,
bleue comme le silence,
douce comme l’espoir.
L’année sera brève
et partira sans regret.

Vers la lumière, peut-être,
l’obscurité prend fin,
ouvrant nos esprits.
Comme tombent les masques,
feuilles d’automne,
prisons de papier.

Le froid, la nuit, le silence…

Le froid, la nuit, le silence à l’état pur. Le ciel comme une invitation au rêve. Champ d’étoiles. Campus stellae. La vieille route des marchands. Chercheurs d’épices, chercheurs d’âme, en quête d’espérance. Je ne sais pourquoi, le froid et la nuit furent toujours mêlés dans mes rêveries. J’aime cette sensation, la solitude, qui pénètre mon corps. La solitude devenue matière. Le mot dépasse le sens, le mot dépasse l’objet. Le mot est un univers transportable et invisible, il est une présence, un réconfort, comme une forteresse face au monde.

Le froid, le silence, la nuit. Le froid, le silence glacé, hurlement des loups, le danger est un voyage. Réalité et rêve réunis, comme deux amants, Isis et Osiris, frère et sœur amants sans être incestueux. Le silence, l’espace blanc, immaculé. Un silence différent, la tache apparaît. Le premier espace n’était pas aussi blanc qu’il le parut de prime abord. Le silence n’est pas une absence, bien au contraire. Il n’y a pas de vide, juste une présence plus ou moins grande de la clarté.

La nuit, le calme et le repos. Je me souviens de ces êtres rencontrés, passé minuit, le temps de l’horloge laissait place à celui de la parole échangée, portée par la respiration. La nuit est échange charnel, quand bien même cet échange serait immatériel. À moins que l’absence de la matière ne soit la condition, unique autant qu’indispensable, de la communication. Je ne sais… La vérité ne saurait être révélée mais seulement perçue.

Je ne souhaite pas me perdre… Je ne voudrais pas vous perdre !… L’époque n’est pas à l’insouciance.

 

L’amour ne saurait être…

L’amour ne saurait être qu’inconditionnel et désintéressé. Ne cherchons pas à être aimé. Contentons-nous d’aimer et apprenons à aimer, non pas plus ou mieux mais totalement, sans rien demander, sans rien attendre en échange, ne nous comportons pas en épiciers ! N’attendons rien en retour de l’amour donné et nous recevrons infiniment plus que ce que nous pensions pouvoir obtenir.

L’amour n’est pas un commerce. Il ne se vend ni ne s’achète. Il ne peut être que donner, ou, pour mieux dire, offert. Et qu’importe s’il n’est pas reçu, le don existe. Nous avons le choix : aimer ou ne pas aimer, comme nous avons le choix de vivre ou mourir.

 

mercredi 20 janvier 2021

M.

Il est de la solitude comme du premier regard porté sur l’inconnue rencontrée, comme par hasard, dans l’un de ces lieux prétendus publics ; une vérité changeante comme ces paysages nocturnes vus d’un train à sa pleine vitesse et qui, pourtant, nous furent révélés dès le premier regard. L’esprit ne sait pas ce que possède la conscience. Je souhaitais pénétrer, mais sans effraction, dans cette parcelle d’intimité qui pourrait être qualifiée de commune, au sens où la nature est le patrimoine de tous sans être la propriété d’aucun. Je me savais dépourvu de toute curiosité malsaine, mais ne pouvais m’empêcher de m’imaginer dans la peau d’un presque vampire qui aurait eu plus de points communs avec une chauve-souris maladroite et végétarienne qu’avec un Nosferatu, fut-il de cinéma. Notre rencontre fut programmée, par l’intermédiaire d’un ami qui me savait inoffensif, comme vampire tout au moins. Je ne savais rien de ma première victime, souhaitant ces rencontres semblables à des îles inconnues qu’il me faudrait découvrir. Je m’étais rêvé vampire, je me découvrais marin. Serais-je moins ridicule dans la vareuse d’un navigateur qu’emmêlé dans la cape d’un buveur de sang ?

Je retrouvais M. dans une brasserie dont l’intérêt unique était de se trouver au point central de toutes mes divagations piétonnes. Mon sens de l’orientation irrégulier et incertain m’interdisait toute innovation concernant mes lieux de rendez-vous. Nous nous rencontrâmes comme à l’aveugle, n’étant sûr, ni elle ni moi, de l’identité de l’autre. Ce que fut cette rencontre restera notre secret. Non par goût des zones obscures, mais par volonté de trouver cette clarté qui se trouve au centre de chaque rencontre ; cette lumière qui nous échappe, le plus souvent, occultée par notre sens du raisonnable, de l’observation objective et glacée, du réalisme intellectuellement correct ; cette ouverture sur les vastes territoires du sensible. Je ne vous parlerais ni de son visage ni du son de sa voix. Je ne vous conterais pas notre conversation. Je me contenterais d’entrouvrir une fenêtre donnant sur quelques-uns des paysages, je ne peux imaginer d’autres mots, qu’elle m’offrit, sans peut-être même en avoir conscience. M. m’apparut, d’abord, être le terrain de chasse idéal pour le navigateur novice et vaguement anthropophage dans lequel je pensais devoir m’incarner. Elle était, me semblait-il, une femme sérieuse et responsable, exerçant la respectable profession de documentaliste au sein de l’éducation nationale. Elle possédait l’humour, la curiosité ainsi que la patience nécessaire afin de supporter mes indiscrétions et mon tact limité. Elle avait choisi d’accepter, non pas de fuir, de s’ouvrir aux assauts du monde qu’ils fussent doux et caressants ou bien douloureux. Elle avait compris que seule la tendresse les menait. Elle se savait forte de sa vérité projetée en pleine lumière, exposée aux regards de tous, forte de ses renoncements à l’indifférence ainsi qu’aux autres formes de citadelles inutiles dans lesquelles nous nous enfermons trop souvent, pensant nous protéger ? J’oubliais peu à peu mes premières impressions. Elle m’apparut alors comme l’un de ces longs bateaux attendant une rénovation qui peut-être ne viendra pas, l’esprit ouvert, attentif, non pas sur la défensive, mais prêt à offrir et à recevoir. Elle était le détonateur permettant au chercheur de trésor qui sommeille en chacun de nous d’exploser pour mieux se rencontrer. Elle cherchait un trou, une faille, une fissure, une entaille dans la terre ou un arbre, ou le temps, le fond de sa mémoire, elle ne savait pas trop. Elle cherchait à cacher un peu d’espoir… Pour plus tard, pour les autres, pour elle ne savait pas… Juste comme ça. Pour ne pas dévoiler (ou se dévoiler). Simplement parce que son instinct le demandait et que sa générosité refusait toutes limites. Elle était capable de s’oublier pour ne penser qu’aux autres. Elle offrait son temps et son intelligence, sa faculté d’écoute, pour vous permettre d’être. Elle n’était pas effacée, mais savait s’effacer pour vous laisser pénétrer dans ce que vous possédiez de plus intime, de plus précieux, et vous faisait comprendre, sans rien dire, juste par sa présence que la plus grande richesse était de ne rien posséder.

Des images s’imposaient. Je la voyais avec un enfant, le guidant sur les chemins d’une liberté nouvelle. Donne-moi quelque chose qui ne finit pas, qui sera toujours renouvelé, dit l’enfant, elle lui apprit à regarder et à comprendre, à apprendre aussi… Et sa joie fut une source intarissable. Elle le prit par la main pour le guider vers ce qu’il ne connaissant pas encore peut-être…

Elle se savait ignorante et s’en trouvait grandie. Je l’imaginais, aussi, dans un pays ravagé par la guerre. Les corps avaient éclaté sous l’impact d’une bombe. Ils étaient comme déconstruits, comme s’ils avaient peu à peu perdu leur humanité, cette disparition venant de l’intérieur (semblait-il), mais peut-être était-ce simplement une impression, un regard choisi et voulu pour atténuer l’horreur de cette destruction. Une femme gisait et geignait sur le sol. Elle avait été frappée puis violée puis frappée encore. Ils avaient vu en elle une proie, un objet comme l’une de ces breloques qu’achètent les touristes pour se convaincre plus tard de la réalité du plaisir éprouvé lors d’un voyage. Un enfant courait, les bras déployés, avion idéal venu pour le sauver ou funambule s’élevant lentement sur les ailes d’un moulin. M. avait choisi de ne pas fuir et attendait le retour du silence. Elle voulait sauver ce qui pouvait l’être. Elle savait que la barbarie doit, sans cesse, être repoussée, que tout le mal que nous faisons provient de notre peur, de notre lâcheté, qui est la peur des imbéciles. M. ne voulait ni ne pouvait s’économiser, la générosité ne peut être comptée. Le silence était venu, puis la paix, l’oubli, sans doute, s’installerait peu à peu, avec le retour à la vie. M. serait partie depuis longtemps. Vers de nouvelles solitudes à rencontrer.

Des années passèrent, sans nouvelles de M, puis j’appris sa mort. Par un ami… Suicide, disait-il. Il fait parfois si froid.

 

vendredi 1 janvier 2021

Avez-vous prêté…

Avez-vous prêté, ne fusse qu’une fois, attention aux feuilles d’un arbre ? La gémellité n’est pas dans leur nature… Et pourtant, si je voulais les décrire, je me révélerais bien incompétent.

Le regard se perd à trop vouloir prendre. Il y a plus de vie sur terre que nous ne le voulons croire. L’immensité est terreur pour qui refuse l’amour. Il serait facile de se laisser prendre… Mais la souffrance est habitude trop douce. Qui craint de ne point vivre refuse de s’en défaire.

Je suis le vent serein venu de nulle part. Je suis le vide qui anime la chair. Un soleil, chaque jour, disparaît… Et je suis toujours là. Le murmure d’une goutte d’eau, tombant dans une vasque, suffit à m’abreuver. Le partage me donne vie.

 

dimanche 20 décembre 2020

Bruits de vagues…

Bruits de vagues dans un jardin en feu. Bruissements d’ailes qui surprendraient l’ornithologue (cet observateur de la gent ailée).

À l’intimité du dieu vengeur, ce héros des adeptes du néant, je préfère la compassion de l’eau.

Il n’y a point d’océan dans la muraille bleutée de mon horizon. Aucun oiseau ne trouble la nudité de mon espace aérien. L’esprit a des libertés que ne connaît pas la matière. Il existe en nous, au-delà des sens admis, des antennes défiant la logique. L’homme ne serait pas s’il n’était que chair. Et l’univers, sans doute, chante en nous par delà notre conscience. Je suis le vent qui coule. Je suis le chant du soleil. L’écho des tourments de la terre. Ma voix est légion.

 

vendredi 18 décembre 2020

Il nous faut tenir…

Il nous faut tenir, seulement tenir,
simplement tenir, sans états d’âme,
parce que nous sommes des humains.

Ces individus paradoxaux, monstres d’égoïsme,
si lâches et stupides, et pourtant…
Capables de se sacrifier…
Pour une idée, un sourire, un symbole…
Pour un enfant à peine entrevu.

Cet humain, si fragile, nu.
Cet humain qui ne comprend rien
mais, qui parfois, saisit l’invisible.

La pire espèce que porte notre terre,
la plus dangereuse, la moins utile,
qui, certains jours,
nous feraient croire aux miracles.

Il nous faut tenir, simplement tenir.
Juste pour voir le jour se lever.
Juste pour être ensembles…
Encore et toujours.

 

mercredi 16 décembre 2020

Je suis le vent serein…

Je suis le vent serein venu de nulle part. Je suis le vide qui anime la chair. Un soleil, chaque jour, disparaît et je suis toujours là. Le murmure d’une goutte d’eau, tombant dans une vasque, suffit à m’abreuver. Le partage donne la vie.

Le froid, la nuit, le silence à l’état pur. Le ciel comme une invitation au rêve. Champ d’étoiles. Campus Stellae. La vieille route des marchands. Chercheurs d’épices, chercheurs d’âme ou d’espérance.

Je ne sais pourquoi, le froid et la nuit furent toujours mêlés dans mes rêveries. J’aime cette sensation, la solitude, qui pénètre mon corps. La solitude devenue matière. Le mot dépasse le sens, le mot dépasse l’objet. Le mot est un univers transportable et invisible, il est une présence, un réconfort, comme une forteresse face au monde. Comme un phare dans mon obscurité.

Le froid, le silence, la nuit. Le froid, le silence glacé, hurlement des loups, le danger est un voyage. Réalité et rêve réunis, comme deux amants, Isis et Osiris, frère et sœur amants sans être incestueux.

Le silence, l’espace blanc, immaculé. Un silence différent, la tache apparaît. Le premier espace n’était pas aussi blanc qu’il le parut de prime abord. Le silence n’est pas une absence, bien au contraire. Il n’y a pas de vide, juste une présence plus ou moins grande de la clarté.

La nuit, le calme et le repos. Je me souviens de ces êtres rencontrés, passé minuit, le temps de l’horloge laissait place à celui de la parole offerte.

La nuit est échange charnel, quand bien même celui-ci serait immatériel. A moins que l’absence de la matière ne soit la condition, unique autant qu’indispensable, de la communication. Je ne sais…

mardi 1 décembre 2020

C’est un sourire qui danse…

C’est un sourire qui danse
et qui se souvient.
C’est une larme qui remonte le courant
et se révolte.

C’est une injustice combattue.
Une voix qui chevauche le silence
et rend compte de notre ignorance.

C’est un corps chantant pour la lune,
cette enfant perdue.
Souffle et vent.
Sang et lame.
Cri en écho offert au néant.

C’est un songe éveillé,
tendre voyage,
rencontre mesurée à pas perdus.

C’est une attente qui s’oublie.
Une fuite maîtrisée.
Une hésitation qui se dessine
dans l’ombre d’un soupir.

C’est une compagne
qui ne se donnerait pas.
Une camarade de lutte.
Un regard sculptant l’infini

C’est une histoire partagée,
Peut-être…
Qui ne saurait avoir de nom.